Huit médailles : c’est une de plus que nos athlètes valides. Au-delà des chiffres, nos para-athlètes nous ont fait vivre une semaine de rêve. Ils ont contribué à faire connaître le handisport et le sport adapté. Et rien que pour ça, nous leur décernons à tous une médaille ; retour sur une paralympiade et des exploits qui ont marqué les esprits.
1. Hector Denayer et Johan Quaile en leaders
Il était venu pour l’or. Il repart avec l’argent et le bronze. Le Dijonnais Hector Denayer n’a pas tout à fait rempli le contrat qu’il avait lui-même rédigé, mais le lot de consolation semble lui convenir : « Une médaille d’argent, une médaille de bronze, c’est comme une médaille d’or. J’ai deux médailles, je ne vais pas cracher dessus. L’objectif est atteint. Je suis parti de chez moi il y a cinq ans pour vivre ce moment-là. Je suis très fier »
Argenté sur 100 mètres brasse et bronzé sur 200 mètres 4 nages : Hector Denayer est célébré au club France, en champion. Photo DR
Pensionnaire du CREPS de Dijon (21), Hector a su quitter sa famille à l’âge de 14 ans pour vivre son rêve paralympique. Sa médaille d’argent sur 100 mètres brasse, record de France explosé, puis sa médaille de bronze sur 200 mètres 4 nages, en font à 19 ans l’un des grands espoirs de la natation paralympique des années à venir. Dans quatre ans, à Los Angeles, il fera partie des leaders de l’équipe de France.
Johan Quaile a lui aussi signé un doublé à Paris : médaille d’argent sur l’épreuve de contre la montre handbike, avant de récidiver le lendemain sur la course en ligne. A chaque fois derrière son coéquipier de l’équipe de France Mathieu Bosredon, intouchable.
Johan Quaile (à gauche) a partagé deux podiums avec son partenaire de l’équipe de France Mathieu Bosredon. Photo AFP
Le Montbéliardais (25), licencié à Mulhouse, remporte à 32 ans ses deux premières médailles paralympiques, 11 ans après avoir été victime d’un accident de la route qui l’a laissé paraplégique. Un rêve qu’il n’osait pas imaginer : « Je ne réalise pas. L’objectif c’était une médaille d’argent ou de bronze. Mais un doublé, comme ça… Je ne pensais pas faire une telle performance. » Comme Hector, il devrait lui aussi faire partie de la délégation française qui prendra la route de Los Angeles dans quatre ans.
2. Sandrine Martinet : l’argent du bonheur
Le bilan de Sandrine Martinet aux Jeux paralympiques est hors norme : elle détient désormais un titre olympique (Rio en 2016) et quatre médailles d’argent. Photo Xavier Ducordeaux
Un nez cassé en janvier, une hernie discale persistante et l’âge qui commence à se faire sentir. A 41 ans, Sandrine Martinet n’était pas vraiment certaine, il y a encore quelques mois, de repartir pour une sixième olympiade. Sa fille Daphné, 10 ans, l’a convaincue. La Mâconnaise (71) est repartie sur le tatami d’entraînement, mettant entre parenthèses sa carrière de kinésithérapeute.
Atteinte d’achromatopsie, une maladie qui affecte son acuité visuelle et sa vision des couleurs depuis sa naissance, elle a retrouvé son poids de forme (-48kg) et ses repères : une victoire sans appel (10-1) au premier tour, puis une grosse bataille en demi-finale contre la chinoise Liqing Li, et la voilà qualifiée pour sa cinquième finale paralympique. La seule fois où elle a manqué la dernière marche, c’était à Londres en 2012 : elle s’était fracturé la malléole en demi-finale.
En finale, Sandrine Martinet est opposée à la Kazakhe Akmaral Nauatbek, numéro une mondiale. Photo Xavier Ducordeaux
La route vers la médaille d’or va néanmoins se compliquer. Opposée à la numéro une mondiale, la Kazakhe Akmaral Nauatbek, elle doit affronter une ancienne internationale valide, invaincue depuis son arrivée chez les para-judo en 2022. Malgré le soutien du public, entièrement acquis à la cause de la Française, elle se fait surprendre une première fois, avant de se faire immobiliser au sol. Fin du rêve.
Sandrine peut profiter de l’ovation de l’Arena Champ de Mars. Elle retrouve Daphné et son fils Loïc. Sur le podium, elle n’en finit plus de sourire et de saluer le public. En zone mixte, elle prend tout le monde de cours : « Ce n’est pas la fin. Je vais continuer, tant que mon corps ne me lâche pas. » On reverra donc Sandrine sur le tatami. A Los Angelès en 2028 ? « Je ne m’interdit rien » répond la Mâconnaise.
La longue étreinte avec sa fille Daphné, sous le regard triste de son fils Loïc : Sandrine Martinet va pouvoir retrouver les siens et son cabinet de kinésithérapeute à Mâcon. Photo Xavier Ducordeaux
3. Cyril Viennot – Anne Henriet : la belle histoire argentée
Participer aux Jeux Paralympiques, ça n’est déjà pas banal. Mais participer aux Jeux Paralympiques en tant que guide pour déficient visuel d’un autre couple, c’est unique. C’est la belle histoire qu’ont construite ensemble les Dolois (39) Cyril Viennot et Anne Henriet avec les para-triathlètes Thibaut Rigaudeau et Héloïse Courvoisier.
Comment mieux conclure une carrière d’athlète de haut niveau qu’avec une médaille d’argent paralympique autour du cou ? Le Dolois Cyril Viennot (à droite) va raccrocher les baskets et le vélo. Photo AFP
L’histoire est d’autant plus belle qu’elle s’est conclue par un podium pour Cyril et Thibaut, auteurs d’une splendide course couronnée d’argent : « Ça représente la fin d’une aventure énorme. C’est la première fois que j’avais autant de stress avant une course. C’est la peur de perdre parce que je sais que je n’aurai plus d’occasion de me rattraper ; Thibaut a une maladie dégénérative. C’est dur pour lui au quotidien, il perd la vue petit à petit. Tout ça sans la médaille au bout, il y aurait eu moyen d’être en dépression durant quelques mois ! » nous confiait Cyril après l’arrivée. Le Dolois va désormais tourner la page du triathlon, lui l’ancien champion du monde longue distance chez les valides.
Anne Henriet va elle aussi quitter le monde du sport de haut niveau, le sentiment du devoir accompli. Elle termine septième de ses premiers et derniers Jeux en compagnie d’Héloïse Courvoisier.
Anne Henriet et Héloïse Courvoisier à l’arrivée du triathlon de Paris 2024 : elles en rêvaient, elles l’ont fait ! Photo AFP
4. Rémy Boullé – Julien Michaud : le bronze leur va si bien
Déjà bronzé à Tokyo il y a trois ans, Rémy Boullé a remis ça à Paris. Le natif de Lure (70) a atteint son objectif : « obtenir le bronze devant ma famille, mes proches, mes frères d’arme : c’est une fierté »
Ancien commando de l’Armée de l’air et membre de l’équipe de France de parachutisme, Rémy Boullé a défendu les intérêts de la France en opération en Afghanistan, au Mali, au Niger ou encore au Tchad. À l’âge de 26 ans, il devient paraplégique suite à un accident de parachutisme. Installé aujourd’hui à Orléans, il est membre de l’armée des champions.
Rémy Boullé a fêté sa médaille de bronze au club France avec sa fille. Photos : AFP
Dans quatre ans, à Los Angeles, il voudra franchir un nouveau cap : « Le bronze, c’est dur, c’est costaud, donc c’est cool. Mais à Los Angeles, j’aimerais quand même bien rentrer avec une autre couleur. » Rendez-vous est pris.
Associé au numéro un mondial de la discipline (Fabien Lamirault), Julien Michaud a lui aussi répondu présent. Le Bisontin (25), qui vit désormais dans les Pyrénées, a décroché une splendide médaille de bronze en para tennis de table. A 45 ans, il a savouré son bonheur au club France, comme jamais il n’avait osé se lâcher, lui le grand timide.
Julien Michaud a célébré sa médaille de bronze au club France dans une ambiance indescriptible. Photos : AFP
C’était son moment, et Julien Michaud en a profité à fond : « Vous portez un drapeau, vous portez des couleurs, vous portez tellement chose » explique-t-il, on se doit d’être à la hauteur et de se lâcher… et qu’est-ce que ça fait du bien ! » Sur la scène, Julien Michaud a tout fait : il a serré les mains qui lui étaient offertes, envoyé des centaines de cœur avec les mains, il a dansé avec une tête de coq géante, avant de célébrer son anniversaire en soufflant sur sa médaille. Un showman.
5. Rugby fauteuil : l’exploit n’était pas loin
Pas de médaille pour nos rugbymen, qui s’étaient pourtant préparés comme jamais. Versés dans une poule ultra dense, composée des champions paralympiques en titre (Angleterre) et des champions du monde (Australie), ils n’ont pas réussi à créer l’exploit, s’inclinant notamment d’un tout petit point face aux Anglais lors du match de qualification pour la demi-finale.
Corentin Le Guen (44) et Jordan Ducret (14), déçus après leur défaite face aux champions paralympiques en titre anglais. Photo Xavier Ducordeaux
C’est la fin du rêve de podium pour nos deux athlètes de Nuits-Saint-Georges (21) Sébastien Verdin et Corentin Le Guen, ainsi que pour le Sénonais (89) Jordan Ducret : « C’est quatre ans de foutu en l’air. Je suis intimement convaincu qu’on avait le niveau pour bousculer les nations qui sont pro et qui nous regardent la tête haute » regrettait Corentin le Guen au micro de France Télévision après la défaite face à l’Angleterre.
Le Nuiton Sébastien Verdin a inscrit 73 essais en 5 matchs : il termine deuxième meilleur marqueur des Bleus. Photo Xavier Ducordeaux.
L’équipe de France retrouvera tout de même la force de s’imposer face à l’Allemagne puis le Canada pour aller chercher la cinquième place : le meilleur résultat d’une équipe de France de rugby aux jeux paralympiques. Une maigre consolation.
6. Fortunes diverses pour Fèvre, Ferney, Guérin & Co
Pour les autres athlètes de notre délégation Bourguignonne et Franc-Comtoise, les jeux paralympiques n’ont pas toujours souri. A l’image de la Dijonnaise (21) Léa Ferney, éliminée dès son entrée en lice par la numéro une mondiale Ebru Acer. La vice-championne paralympique de Tokyo, qui vient de fêter ses 20 ans, se tourne déjà vers Los Angeles.
Léa Ferney a tout tenté pour bousculer la numéro une mondial. Elle lui a même pris un set. Mais ça n’a pas suffi pour passer en demi-finale. Photo Benjamin Loyseau – AFP
Pas de chance non plus pour le Bisontin (25) Pierre-Guillaume Sage. Champion du monde et d’Europe en tir à la carabine à 10 mètres, il avait parfaitement débuté sa compétition, avant de sortir complètement une balle de la cible, lors de la première manche qualificative ; une erreur rédhibitoire, et une 32e place finale frustrante. Notre autre tireur, le Chalonnais Cédric Fèvre, n’a pas connu plus de réussite. En délicatesse derrière sa carabine depuis quelques mois, le champion paralympique de Londres en 2012 termine 18e à 10 mètres et 21e à 50 mètres.
En tir à l’arc, le Dijonnais Maxime Guérin n’a pas grand-chose à regretter. Opposé au numéro un mondial en huitième de finale, il s’incline 144-139 devant les membres de son club du Dijon tir à l’arc.
Eliminé en huitième de finale en simple, en quart de finale en double, Maxime Guérin repart de Paris sans médaille. Photo Xavier Ducordeaux.
En tennis fauteuil, le Vésulien (70) Gaëtan Menguy a réussi un petit exploit en sortant dès le deuxième tour le Belge Joachim Gérard, tête de série numéro 8 du tournoi. Mais il n’a pas pu rééditer sa performance, s’inclinant en huitième de finale face au Néerlandais Ruben Spaargaren, 10e joueur mondial.
Julie Marano n’a pas non plus à rougir de sa performance en para-triathlon. Guide d’Annouck Curzillat dans la catégorie des déficients visuels, la Jurassienne (39) décroche la cinquième place d’une épreuve courue sous un soleil de plomb.
7. L’apprentissage, en équipe
Pour nos athlètes engagés dans les épreuves par équipe, la compétition s’est révélée au moins aussi difficile que prévu ! Nos « Bleus » n’ont pas gagné un match, que ce soit en goalball, en volley assis ou en basket fauteuil.
Venues pour apprendre, la Bisontine (25) Gwendoline Matos et la Mâconnaise (71) Héloïse Rondepierre ont connu des débuts difficiles, s’inclinant largement lors de leurs trois matchs de poule en goalball. Balayées par le Chine en quart de finale, elles ont relevé la tête lors de leur dernière rencontre, ne s’inclinant qu’aux tirs au but face à la Corée, vice-championne du monde. De bon augure pour la suite.
Héloïse Rondepierre (n°8) et Gwendoline Matos (au centre) ont emmagasiné de l’expérience lors de ces Jeux Paralympiques. Photo Xavier Ducordeaux.
Pas de miracle non plus pour Séverine Baillot et l’équipe de France de volley assis. Amputée de la jambe gauche il y a à peine un an et demi, la Bisontine (25) n’a découvert le volley-assis qu’en août 2023. L’équipe de France est alors en construction en vue des jeux Paralympiques. Pas assez rôdée face à de grosses écuries comme la Chine ou les Etats-Unis, la France s’incline à quatre reprises, sans marquer le moindre set. Sans regret : « C’était une aventure sportive extraordinaire » veut retenir Séverine Baillot.
Séverine Baillot (N°7, à droite) repart de Paris avec des souvenirs plein la tête. Photo AFP
Membre de l’équipe de France de basket fauteuil, Alexis Ramonet repart lui aussi de Paris sur un zéro pointé (six défaites en six matchs). Mais le Dijonnais (21) n’a pas tout perdu : « Même si on n’a pas gagné nos matches, on a gagné quelque chose d’autre auprès des Français. On a fait découvrir notre pratique, c’est le plus merveilleux pour nous. On n’avait jamais joué devant 10 000 personnes, c’est notre victoire et celle du handibasket. » Meilleur marqueur (15 points) des Français lors du dernier matchs des Bleus, Alexis Ramonet a pris date : dans quatre ans, il espère être au rendez-vous de l’Olympiade de Los Angeles, au pays du basket.